samedi 29 septembre 2012

Au chevet de la santé

Complexité et simplicité du système de santé.

Prenons le système bancaire : vous avez une offre, les banques, une demande, les clients, les entreprises ou ménages, et puis un régulateur. Ca fait trois acteurs, c'est un jeu assez simple, mais en fait, on se rend bien compte que ce n'est pas si simple que ça.

Dans le système de santé, on peut compter six acteurs : du côté de l'offre il y a 1. les médecins, 2. l'hôpital, et du côté de la demande, il y a les patients, et des intermédiaires, l'Etat, des régulateurs et l'industrie pharmaceutique. C'est un mécanisme qui paraît immédiatement plus complexe et, en même temps, si on veut des économies, ça permet de jouer sur plusieurs acteurs à la fois.

Si on compare avec la retraite, c'est aussi beaucoup plus compliqué. La retraite consiste juste à faire de la répartition entre les actifs et les inactifs. Dans la santé, au-délà de cette problématique de répartition, il y a aussi la "production" de soins. Cette dimension ajoute de la complexité dans le juste dimensionnement des moyens de soins à mettre en oeuvre, et de leur bon impact, opportun et proportionné, et pas trop pour gagner plus d'argent, ou pas assez parce que le médecin n'est pas incité à répondre à la demande.

La santé est aussi un secteur où étrangement le progrès technique augmente les dépenses — et non les coûts comme on l'entend un peu trop souvent. Sans doute un peu comme le nucléaire.
Le traitement des maladies cardio-vasculaires par des techniques non invasives réduit considérablement le coût de l'opération, le temps de l'hospitalisation, sans parler du confort du malade.
On peut distinguer deux types de progrès. Soit une nouvelle technique se substitue à une ancienne, et elle moins chère ou apporte des résultats bien meilleurs, et donc les dépenses baissent avec les coûts ; soit la nouvelle technique est diffusée et utilisée de façon plus largement préventive, et dans ce cas, les dépenses augmentent malgré le gain sur les coûts.

Le problème du "trou de la sécu" est relativement simple. On veut de plus en plus de services de santé, on veut de plus en plus intégrer les progrès techniques et avoir une santé de plus en plus luxueuse. (Est-ce bien utile ?) Un des problèmes est donc de trouver les ressources à mettre en face de ces nouveaux besoins, de ces nouvelles dépenses, de ces nouveaux choix qui sont fait en matière de santé. Le fameux "trou de la sécu" ne fait qu'exprimer le mode de financement collectif et qui vient constater un petit peu a posteriori que les besoins ont augmenté, et qu'il faut trouver le financement ce que tout le monde procrastine à faire.

Quand on rapporte le gain de service rendu en terme de qualité de vie aux dépenses engagées, les prix ont baissé. On ne montre pas assez les bénéfices, les contre-parties liées à l'amélioration de la santé et de la longévité. Murphy et Topel, deux économistes américains, montrent que entre 1970 et 2000, les gains en espérance de vie auraient ajouté à la richesse nationale, chaque année, une valeur équivalente à environ 50 % du PIB.

Nous venons de subir une contraction de l'activité tout à fait considérable, nous sommes englués dans une crise importante. Cette crise financière ne risque-t-elle pas de réduire durablement notre activité, c'est-à-dire notre niveau de richesse. Et à ce moment là, la question qui se pose à notre système de santé, c'est celle d'un financement qui déjà en 2007 était insuffisant, dans un contexte lourdement plus dégradé qu'en 2007. Il y a un problème d'ajustement structurel de notre système de santé. Doit-on alors augmenté les recettes, la CSG par exemple, ou faire des économies sur les dépenses ?

La complexité du système de santé offre des opportunités : si les patients patientent, si les hôpitaux sont mieux gérés, si les médecins arrêtent de faire n'importe quoi, si l'industrie pharmaceutique arrête ces délires, si l'Etat intervient intelligemment, le problème serait assez facile à régler. On peut intervenir sur plusieurs fronts en même temps et de ce fait l'effort porté par chacun est inférieur. Ce n'est pas tant un problème de recettes / dépenses qu'un problème d'inégalité.

Le taux de couverture, le coût des assurances, l'accès au soins, les tarifs : tout est un peu lié.
L'écart d'espérance de vie entre un manoeuvre et son directeur est de 8 ans dans tous les pays développés.
Il n'y a qu'au Royaume-Uni qu'un système a été mis en place pour réduire ces inégalités sociales de santé. Il s'agit en fait d'inégalité comportementales sur le tabac et l'alcool.

Il faut faire des gains d'efficience : obtenir de dépenser moins pour le même résultat. Le système français est mauvais dans ce domaine, parce qu'extrêmement laxiste. Les acteurs ont une immense liberté. La défense de la médecine libérale va de pair avec un refus d'intégrer des objectifs collectifs qui seraient ceux d'une assurance-maladie bien comprise.

Depuis la loi Bachelot de 2009, hôpitaux et médecine de ville sont enfin coordonnés par des agences régionales de santé, même si ces agences n'ont pas encore assez de pouvoir pour rationaliser l'offre de soins. Mais il y a en France collusion entre patients et médecins pour que rien ne soit fait pour faire des économies.

L'Etat en France est trop soumis à l'intérêt des médecins. L'Etat est aussi un perturbateur dans les négociations entre l'assurance-maladie et les médecins. Il y a des relais parlementaires, des lobbys de médecins très importants. Il y avait dans le projet de loi Bachelot des contraintes sur l'implantation géographique des médecins qui ont été proposées par le ministre au Parlement, qui les a faites sauter. De même pour les "testings" pour vérifier que les médecins ne discriminent pas les patients CMU. Tous les dispositifs contraignants ont été amendés, éliminés par les parlementaires.